Introduction

Les questionnements entourant le choix d’un parcours de formation et d’une carrière peuvent survenir à plusieurs moments dans la vie d’un individu. On reconnaît toutefois que c’est à l’adolescence qu’émergent les tout premiers questionnements, lesquels coïncident avec la prise de certaines décisions qui pourront avoir une incidence sur les possibilités de carrière après le secondaire (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2007). Au Québec, l’une des premières décisions importantes qu’ont à prendre la plupart des jeunes survient dès la fin de leur 2e année d’études secondaires, alors qu’ils ont à effectuer un choix parmi trois parcours de formation (formation générale, formation générale appliquée et formation axée sur la préparation à l’emploi). Dans ce contexte, il devient intéressant d’examiner comment se fait l’exploration vocationnelle de ces jeunes au moment où ils s’apprêtent à faire de tels choix. L’exploration vocationnelle désigne ici l’exploration des intérêts vocationnels, la connaissance de soi et l’acquisition de connaissances à propos du marché du travail et des critères requis pour effectuer différents types d’emplois (Duchesne, Mercier, & Ratelle, sous presse). Ce quatrième bilan des résultats de l’ÉTAPE se penche sur les profils d’exploration vocationnelle d’élèves de 2e secondaire, en plus d’examiner si ces profils se distinguent en fonction de leur orientation motivationnelle. La motivation scolaire des élèves offre une piste prometteuse pour comprendre ce qui les prédisposerait à s’engager activement dans une démarche d’exploration vocationnelle.

 

Qui sont les participants?

Les données présentées dans ce bilan proviennent d’un échantillon de 521 élèves (51% de filles) francophones de la province de Québec qui étaient inscrits en 6e année du primaire au cours de l’année scolaire 2005-2006. Ces élèves ont répondu à des questionnaires annuellement jusqu’à leur 5e secondaire. Dans le cadre de ce bilan, seules les données recueillies lorsque ces élèves étaient inscrits en 2e secondaire ont été utilisées. Il s’agissait de la première année où les élèves étaient questionnés sur différents aspects entourant leur développement vocationnel. Au moment de la cueillette, ces élèves étaient âgés en moyenne de 14 ans.

 

Les profils d’exploration vocationnelle en 2e secondaire

L’exploration vocationnelle a été mesurée à l’aide de l'Échelle d’exploration de carrière (Tracey, Lent, Brown, Soresi, & Nota, 2006). Cette échelle évaluait à quel point les élèves s’étaient engagés dans une démarche d’exploration de carrière, en mesurant la fréquence de comportements tels qu’« Au cours des trois derniers mois, j’ai lu de l’information sur des emplois ou carrières spécifiques, rencontré un conseiller d’orientation, parlé avec mes amis d’emplois ou de carrières ». Pour chaque item (total = 13), les jeunes devaient répondre sur une échelle de type Likert en 5 points (1 = jamais; 5 = plusieurs fois). Une analyse a permis de regrouper ces items en trois grandes dimensions: lecture (ex.: « j’ai lu de l’information sur des emplois ou carrières spécifiques »), recherche d’informations (ex.: « j’ai assisté à un salon de l’emploi ») et réflexions et discussion (ex.: « j’ai pensé à ce que je voudrais faire comme emploi ou carrière »). L’analyse des profils d’exploration vocationnelle a reposé sur ces trois dimensions. Trois profils distincts ont été identifiés:

 

  • Les élèves qui explorent le moins (EM): ces élèves présentent les moyennes les plus faibles sur chacune des dimensions de l’exploration vocationnelle (1,13 à 2,23 / 5). Ce groupe comprend 164 élèves (48% de garçons et 52% de filles).

 

  • Les élèves qui explorent par la discussion (ED): ces élèves sont actifs en regard d’une seule des dimensions de l’exploration vocationnelle, soit la réflexion et la discussion (moyenne = 3,38 / 5). Ce groupe est composé de 215 participants (51% de garçons et 49% de filles).

 

  • Les élèves qui explorent le plus (EP): ces élèves présentent une moyenne très élevée pour la dimension réflexion/discussion (3,99 / 5) et une moyenne relativement élevée pour la dimension lecture (2,80 / 5). Ce groupe réunit 142 élèves (48% de garçons et 52% de filles).

 


La motivation en fonction des profils

Nous avons par la suite examiné si les profils d’exploration vocationnelle se distinguaient en fonction de l’orientation motivationnelle des élèves. La motivation réfère aux raisons pour lesquelles un individu s'engage dans une activité ou émet un comportement (ex.: aller à l'école, faire ses devoirs). Les recherches démontrent qu'un comportement peut être motivé par différentes raisons et, selon la théorie de l'autodétermination (Deci & Ryan, 2008), nous pouvons distinguer les motivations des étudiants parmi:

 


De nombreuses recherches ont montré que la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque par régulation identifiée sont reliées positivement à plusieurs variables scolaires comme la persévérance, la performance, la préférence pour les tâches offrant un défi, l’utilisation de stratégies d’apprentissage efficaces, la concentration pendant une tâche et la participation en classe. En contrepartie, les motivations extrinsèques par régulation introjectée et par régulation externe, ainsi que l’amotivation, sont reliées négativement avec ces mêmes variables scolaires. Sur la base de ces études, nous anticipions donc que les élèves plus engagés dans des comportements d’exploration présentent une orientation caractérisée par des niveaux plus élevés de motivation intrinsèque et de motivation extrinsèque par régulation identifiée. Ces deux types de motivations sont dits « autodéterminés », car les raisons derrière l'engagement proviennent de l'individu (ex.: le plaisir, la satisfaction, les valeurs, le choix). À l'inverse, il est question de motivations « contrôlées » lorsque le comportement est motivé par des pressions extérieures (ex.: les récompenses ou les punitions, caractéristiques de la régulation externe), par des pressions intériorisées (ex.: pour réduire des sentiments de culpabilité ou d'obligation, caractéristiques de la régulation introjectée) ou encore par la résignation (caractéristique de l'amotivation).

 

L’Échelle de motivation en éducation (Vallerand, Blais, Brière, & Pelletier, 1989) a été utilisée pour évaluer les types de motivation des élèves envers l’école. Les items représentent tous des raisons d’aller à l’école. Les élèves devaient indiquer leur degré d’accord avec l’énoncé sur une échelle de type Likert en 5 points (1 = pas du tout en accord; 5 = complètement en accord). Cette échelle est divisée en 5 sous-échelles de 4 items, représentant chacune un type de motivation : motivation intrinsèque à la connaissance (ex.: « pour le plaisir que j’ai à découvrir de nouvelles choses jamais vues auparavant »), régulation identifiée (ex.: «parce que cela va m’aider à mieux choisir le métier ou la carrière que je ferai plus tard »), régulation introjectée (ex.: « pour me prouver que je suis une personne intelligente »), régulation externe (ex.: « pour avoir un meilleur salaire plus tard ») et amotivation (ex.: « je ne sais pas, je ne parviens pas à comprendre ce que je fais à l’école »).

 

Les résultats montrent que les élèves qui explorent plus activement (EP) se démarquent de leurs pairs moins engagés (EM) sur les deux types de motivation logeant sous la motivation autodéterminée, soit la motivation intrinsèque et la régulation identifiée. Paradoxalement, les élèves du profil EP rapportent également un plus haut niveau de régulation introjectée. D’une part, le fait que ces élèves soient plus autodéterminés porte à croire que l’intérêt et l’importance qu’ils accordent à l’école se transposent aussi à la sphère vocationnelle via des réflexions et discussions liées à leur futur choix de carrière. D’autre part, la présence de régulation introjectée suggère que les types de motivation plus contrôlées peuvent coexister avec les types de motivation plus autodéterminées sans pour autant court-circuiter la démarche d’exploration vocationnelle. Les raisons qui poussent les élèves du profil EP à s’investir dans une tâche quelconque semblent se nourrir à la fois du plaisir rattaché à cette tâche, de l’importance qu’elle suscite et du besoin de prouver quelque chose aux autres ou à soi-même pour ne pas se sentir coupable ou honteux. Enfin, les élèves qui explorent le plus (EP) se distinguent également des élèves qui explorent seulement par la discussion (ED), ces derniers rapportant un niveau d’amotivation plus élevé. Ainsi, il est possible de penser que les élèves qui explorent le plus (EP) sont plus engagés dans ce processus puisqu’ils perçoivent davantage l’utilité de leurs actions et les conséquences qu’elles peuvent avoir à long terme que les élèves qui explorent seulement par la discussion (ED).

 


Conclusion

Même si des efforts ont été investis ces dernières années pour mieux répondre aux besoins d’orientation scolaire et professionnelle des élèves, et ce, depuis le primaire, la plupart des jeunes de 2e secondaire évalués dans cette étude sont peu portés vers l’exploration vocationnelle, ce qui, d’un point de vue développemental, n’est pas anormal. Toutefois, pour ceux ayant amorcé leur exploration, la discussion avec les proches apparaît comme le moyen privilégié à ce stade précoce. Les intervenants scolaires voulant susciter l’exploration alors que les jeunes doivent choisir un parcours de formation pour leur 3e année d’études secondaires auraient avantage à mettre en place des mécanismes pour susciter cette exploration préalablement au moment de la prise de décision quant au choix de parcours. Un des vecteurs empruntés devrait être la sollicitation des parents. En les informant bien de ce que constituent ces parcours et de leur incidence sur le développement vocationnel et professionnel du jeune, ils seront à même de mieux guider leur jeune dans la découverte de ses intérêts scolaires et de ses aspirations professionnelles.

 

Références

Deci, E. L. & Ryan, R.M. (2008). Favoriser la motivation optimale et la santé mentale dans les divers milieux de vie. Canadian Psychology, 49, 24-34.

 

Duchesne, S., Mercier, A., & Ratelle, C. F. (sous presse). Vocational exploration in middle school: Motivational characteristics of students and perceptions of the learning climate. Canadian Journal of Counselling and Psychotherapy.

 

Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2007). Programme de formation de l’école québécoise. Enseignement secondaire, deuxième cycle. Québec : Gouvernement du Québec.


 

 

 

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 Quatrième bilan des résultats - Juin 2012